La Maison Brunet, surnommée la « maison aux 365 fenêtres », est un édifice emblématique du quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Située entre la rue Rivet, la rue Prunelle, la place Rouville et la rue de Flesselles, elle surplombe la Saône et offre une vue imprenable sur la ville. Construite au début du XIXᵉ siècle, cette bâtisse est riche d’une histoire liée aux canuts, les ouvriers de la soie lyonnais, et se distingue par une architecture symbolique unique.
Contexte historique et construction
La Maison Brunet doit son nom à Claude Brunet, un fabricant d’étoffes lyonnais. En 1823, Brunet et son épouse acquièrent plusieurs terrains sur le clos Saint-Benoît, avec l’ambition d’y ériger un immeuble capable d’accueillir des ateliers-logements adaptés aux besoins des canuts. Ces derniers nécessitaient des espaces suffisamment hauts pour installer leurs métiers à tisser, notamment avec l’introduction de la mécanique Jacquard, qui requérait une hauteur sous plafond de 3,80 mètres. L’édifice est achevé en 1825, comme en témoigne sa présence sur le plan du clos Saint-Benoît de la même année.
Malheureusement, Claude Brunet rencontre des difficultés financières et se voit contraint de vendre la maison aux enchères en 1831. Il décède peu après, ruiné.
Architecture symbolique
La Maison Brunet est remarquable par sa conception architecturale, qui intègre des éléments symboliques liés au temps :
- 365 fenêtres : représentant les 365 jours de l’année.
- 4 portes d’entrée : symbolisant les quatre saisons.
- 7 étages : correspondant aux sept jours de la semaine.
- 52 appartements : évoquant les 52 semaines de l’année.
De plus, l’édifice comprend deux escaliers de 164 marches chacun, totalisant 328 marches, ce qui pourrait symboliser le parcours ascendant et descendant du soleil.
Cette architecture unique confère à la Maison Brunet une dimension de calendrier architectural, faisant d’elle une curiosité notable de la Croix-Rousse.
La citadelle du peuple : un rôle clé lors des révoltes des canuts
La Maison Brunet a joué un rôle central lors des révoltes des canuts, ces ouvriers de la soie lyonnais qui se sont insurgés à plusieurs reprises au XIXᵉ siècle pour défendre leurs conditions de travail et leurs droits.
Première insurrection de 1831
En novembre 1831, les canuts se soulèvent pour protester contre la baisse des tarifs de la soie et les conditions de travail difficiles. La Maison Brunet, en raison de sa taille imposante et de ses nombreuses fenêtres, est transformée en forteresse par les insurgés. Les canuts utilisent les fenêtres comme postes de tir, infligeant des pertes aux forces gouvernementales. Cette défense acharnée vaut à la Maison Brunet le surnom de « citadelle du peuple ».
Seconde insurrection de 1834
Lors de la seconde révolte des canuts en avril 1834, la Maison Brunet est de nouveau au cœur des affrontements. L’armée envisage de bombarder l’édifice depuis l’esplanade des Chartreux pour neutraliser les insurgés. Cependant, l’abbé Pierre Pousset, curé de l’église Saint-Bruno des Chartreux, intervient courageusement. Il traverse les lignes de front pour négocier avec les autorités militaires et parvient à éviter le bombardement, sauvant ainsi de nombreuses vies et préservant l’intégrité de la Maison Brunet.
Un ex-voto commémorant cet événement est conservé au musée d’art religieux de Fourvière, témoignant de la gratitude des habitants envers l’abbé Pousset.
Les traboules de la Maison Brunet
La Maison Brunet abrite également deux traboules, ces passages typiquement lyonnais permettant de circuler d’un immeuble à l’autre en traversant les cours intérieures. Ces traboules relient la rue Rivet aux numéros 10 et 12 à la place Rouville aux numéros 5 et 6. Elles illustrent l’ingéniosité architecturale lyonnaise et l’importance de la communauté dans la vie quotidienne des habitants de la Croix-Rousse.
La Maison Brunet aujourd’hui
Aujourd’hui, la Maison Brunet demeure un symbole de l’histoire ouvrière lyonnaise et de l’architecture singulière de la Croix-Rousse. Son apparence imposante et sa riche histoire attirent les visiteurs curieux de découvrir ce témoignage du passé industriel de Lyon. Bien que des rénovations aient été entreprises pour préserver l’édifice, la Maison Brunet conserve son charme d’antan et continue de fasciner par son architecture symbolique et son rôle historique.
La Maison Brunet est également un lieu de mémoire, rappelant les luttes des canuts pour de meilleures conditions de travail et leur contribution à l’histoire sociale de Lyon. Les visiteurs peuvent ainsi apprécier non seulement l’architecture unique de l’édifice, mais aussi son importance dans le patrimoine historique et culturel de la ville.